Les Eygletière 01 by Troyat Henri

Auteur:Troyat,Henri [Troyat,Henri]
La langue: eng
Format: epub
Tags: roman
Éditeur: J'ai Lu
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

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Jean-Marc ne rentra à la maison qu’à sept heures et demie. Dès l’antichambre, le bruit des conversations l’irrita. En franchissant le seuil du salon, il eut l’impression que ce n’était pas sa sœur qui recevait, mais Carole. Il avait passé l’après-midi à potasser son droit civil avec Hubertel, un camarade de Faculté qui, sans valoir Didier Coppelin, était un bon coéquipier pour les études au forcing. La tête bourrée de prose juridique, il but avec plaisir le whisky que lui servit Madeleine et se casa sur le divan entre deux types qu’il ne connaissait pas.

Il eût voulu s’intéresser aux amis de sa sœur, mais malgré lui c’était toujours Carole qu’il regardait. Depuis leur retour de Bromeilles, elle n’avait pas tenté une seule fois de se rapprocher de lui. Il pouvait croire qu’elle avait définitivement renoncé, et cette certitude lui était agréable. D’ailleurs son père revenait dans trois jours. Et, lundi, la Faculté rouvrait ses portes… La reprise des habitudes familiales et universitaires représentait pour lui un gage de sécurité. Pour l’instant, Carole, penchant le corps dans une arabesque savante, parlait à Alexandre Kozlov d’une exposition de poupées anciennes qu’elle avait visitée avec une amie. L’affectation de sa voix agaçait Jean-Marc comme un hommage dédié à un autre. Cette coquetterie était, pensait-il, une manie indigne d’elle. Tandis qu’il la dénigrait ainsi, elle se leva, s’avança vers lui et lui demanda une cigarette. Il se sentit repêché du fond d’un abîme. Elle lui tint la main pendant qu’il allumait son briquet. La petite flamme brilla entre eux, tel un signal d’amitié. Un peu de fumée, un sourire et, déjà, Carole lui tournait le dos. Il eût souhaité avoir la force de partir. Néanmoins il resta là, séduit, furieux, silencieux, buvant son whisky et roulant de sombres pensées, jusqu’au moment où elle-même se retira. Aussitôt après, comme si plus rien ne les retenait, les invités se dispersèrent. Dans le salon vide, où traînaient des verres et des assiettes sales, Françoise, radieuse, dit à Madeleine :

— Que penses-tu d’Alexandre Kozlov ?

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